Sur les rayons des bibliothèques, je vis un monde surgir de l'horizon.-Jack London -

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Le silence ne sera qu’un souvenirLaurence VilaineGaïaISBN :  9782847202038173  pagesParution : 28/08/2011













Le 22 août 2011








Comme ce livre est beau… mais tellement triste ! Page après page, le chagrin et la douleur sont racontés avec beaucoup de poésie, d’intimité et  de profondeur  et vont droit au cœur, bouleversent le lecteur, submergé par une émotion vive, imprégné entièrement du texte et des personnages qui le composent, si expressifs et attachants jusqu’à créer une empathie réellement troublante.  Certes, une histoire qui fait de la peine, peut brouiller votre regard déjà humide et faire naître de réels sanglots mais  tellement resplendissante de grâce et de pureté qu’on ne peut s’empêcher de l’aimer, de frissonner, malgré tout, d’un bonheur rare et puissant. Une lecture envoûtante, exceptionnelle dont on ne sort pas indemne mais qui fortifie et rend meilleur, c’est certain. Si vous pleurez, faites-le sans honte, le texte est sublime et, au regard de l’actualité, nécessaire et précieux.
Sur les bords du Danube, dans le camp slovaque de Supava, le vieux Miklus raconte son peuple. Sans fard, sans mentir, avec un ton un peu brutal, teinté de colère, de désillusion et d’amertume (les faits ne sont pas drôles), il décrit la communauté Rom dans toute son âme et crie sa désolation aussi. La boue, la poussière, le vent, la saleté, la misère, mais aussi la musique, la fraternité, l’amour jusque dans la folie : tout est poésie, beauté tragique, blessures profondes et peine à la fois. Une histoire  de douleurs, une odeur de mort, qui se racontent comme une délivrance pourtant, « une mélodie qui donnait le frisson dans la gorge, et nous la redemandions, parce que les larmes qu’elle nous arrachait, mais que nous retenions car nous étions des hommes, nous conduisaient au plus profond de nous-mêmes. En même temps, elle était un baume sur nos blessures qui, soudain mises à vif, ne faisaient plus qu’une », car le silence étouffe et condamne à jamais ; Miklus l’a bien compris.
Ce peuple,  rejeté de toutes parts, sans patrie reconnue ou identité légitime : « Le Rom, il tient comme il peut, ballotté d’un courant d’air à un autre, le vent s’engouffre partout où il pointe son nez. Il n’est attendu nulle part, vous le savez bien, on le refile à son voisin ; à peine a-t-il posé sa famille qu’on le fait déguerpir, et on l’accuse den ne pas tenir en place »,  incarne la souffrance et le malheur perpétuels, le désespoir le plus sombre et la colère la plus vaine. Un peuple privé du droit d’être heureux mais dont certains êtres étincellent pourtant de grâce, illuminent le campement,  comme  Dilino, l’enfant fragile et malmené,  ou encore Chnepki à la voix somptueuse et Lubko, le gadjo,  le faiseur de marionnettes et musicien envoûtant et puis, enfin  Maruska. Mais tous, sont condamnés : « une farce que le bonheur, il n’est finalement jamais là où l’on est ».
A travers ces personnages, l’auteur dépeint avec un attachement profond (sans doute bien documenté) l’ensemble d’une communauté opprimée qu’aucune société ne parvient (encore aujourd’hui) à intégrer.  Que ce soit la scolarisation « Déposer le romani à la grille, pas moins que ça, c’était le prix à payer pour franchir le seuil de la skola en question […] on vous sommait de le désapprendre », ou bien l’attribution de logements plus conformes : « Les portes étaient des intruses dans nos vies, du silence et de la solitude qui nous empêchaient de respirer, et c’est justement de ça dont nous ne savions pas nous passer, la respiration de l’autre à proximité ». L’échec est là,  si évident et subrepticement alors, avec une grande sensibilité,   l’auteur semble vouloir interpeller le lecteur   mais sans jamais le malmener. Car ce texte n’a rien d’un plaidoyer en faveur des Roms ; il est plus que cela, mieux que cela : Un hommage vibrant, plein de poésie,  aux êtres fragiles malmenés par la vie ; un  précieux hymne à la tolérance. Un sacré beau livre !


Cécile PELLERIN