Sur les rayons des bibliothèques, je vis un monde surgir de l'horizon.-Jack London -

Ma vie avec David Foenkinos

« Sans l’art, un être humain peut crever de douleur ».    (Jeanne Benameur)
1.A 23 ans je  rentre de Suède, la valise pleine de livres, les yeux emplis de souvenirs, des kilos sur les hanches et de jolis mots, « på svenska* », entre les oreilles. Six mois plus tard, j’ai lu tous les livres, épuisé les souvenirs à force de les partager. Je suis seule et je pleure. En français.
2.Il neige en Suède et  il pleut à Rennes. Mon parapluie n’est plus efficace. Les gouttes perlent sur mon visage. L’hôpital les assèche sans douceur ni bienveillance. L’Enfer durera presque une année.
3. En 1999, je me marie en février et voyage à Lisbonne. Le soleil réchauffe mon ventre et, pour la 1ère fois, je sens bouger notre enfant. Je suis au Paradis.
4.La famille s’installe à la campagne. Les livres emplissent la maison. Des heures de lecture dans le jardin, à l’ombre du pin.  En cas de bonheur, je souris fort à la vie.
5.On appelle ça une dépression du post-partum. C’est douloureux. Je ne dors plus et j’ai envie de mourir.  Mais j’ai donné vie à mon second fils, Titouan. Deux petits cœurs autonomes battent près de moi désormais.  Bientôt, je retrouve le goût de la lecture.
6.Toujours ces kilos sur les hanches. Je devrais faire du sport.7.J’échange des livres avec mon ami Serge. Il me prête la délicatesse de David Foenkinos. Markus, le héros est Suédois. Je le lis plusieurs fois.
8. Un jour en septembre 2010 je crois, je m’inscris dans un club de course à pied. D’abord deux puis bientôt trois fois par semaine, je cours, cours, cours. Le bonheur est peu de choses. Allonger la foulée, la répéter sans ennui et progresser en vitesse et résistance. Se dépasser et jubiler. Affiner ses hanches.
9.J’écris maintenant pour « ActuaLitte »**, le catalogue de mes lectures.
10.Fin 2011 je cours désormais d’hôpitaux en spécialistes, alterne visites au centre anti-douleur et chez le magnétiseur.  La douleur est ma vie. J’ai mal et je désespère. Je vis avec un Tens***. Mon potentiel érotique de femme en prend un coup.
11.C’est fâcheux mais une injection de Botox ne me rend pas plus belle. La douleur migre du genou vers le dos. Inversion de l’idiotie. L’atrocité de la situation me conduit direct à l’hôpital.
12. Du temps pour lire et écrire. Gallimard m’adresse le dernier roman de David Foenkinos. Son histoire résonne en moi.  Salutaires similitudes. J’ose écrire à Monsieur Foenkinos. Un mail un matin dans ma boîte  :« Chère Cécile, je vous remercie pour votre courrier si étonnant. C'est si troublant tant de parallèles. Et l'étrangeté que vous l'ayez reçu à ce moment là. J'espère, oui, que vous allez mieux. Et que la douleur va s'estomper. Tout comme mon personnage. Et que vous finirez par courir dans un aéroport à Berlin. Avec mon amitié, David. ».
13.Aujourd’hui ? Je vais mieux.
14.Et demain ? J’irai bien.

*En suédois.**Un site internet d’actualités littéraires.*** Neurostimulateur  transcutané.
En gras, les titres des romans de Foenkinos

Cécile PELLERIN







Mars 2013